Un peu de nuit au milieu d’une longue journée

Date
15 avril 2013

Durée
7h

Type de sortie
Canyon - Stage
Département
Etranger (E)

Massif


Commune
Escorca

Photos







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Descriptif / Compte-rendu
Quand on pense à Majorque, on pense plage de sable et farniente ou retraités allemands (il y a en effet des deux sur cette île).

On ne pense pas qu’il s’y trouve un des canyons majeurs d’Europe.

Et pourtant, c’est notre destination de la journée.

Après le petit loupé de la marche d’approche de la veille, nous sommes très heureux de ne faire que 10 minutes depuis le parking avant d’atteindre le départ.

Le canyon est donné en 5 heures, avec plus de 40 rappels, plus 2 heures de marche de retour, c’est donc parti pour une belle journée.

On commence par la section Gorg Blau, qui, au départ du moins, ressemble à beaucoup d’autres canyons au débit d’eau incertain : plus ou moins sec, plus ou moins humide, avec des vasques d’eau plus ou moins claire selon que l’on passe en premier ou en dernier.

Les parois se resserrent, prennent de la hauteur et l’encaissement devient prononcé. L’eau est maintenant présente tout le temps, froide, avec un débit correct et quelques vasques sautent, le plaisir est là et ça fait du bien.

On se dit que c’est déjà un beau canyon quand l’encaissement se fait encore plus prononcé, au point que dans certains biefs, on touche des épaules de chaque côté, et il faut même se mettre de profil pour passer ! Tout à fait exceptionnel, avec une pensée émue de l’enfer que ça doit être ici en cas de crue. Pas d’échappatoire possible et un effet qui doit ressembler au déclenchement d'une chasse d’eau quand la vague de crue arrive. Heureusement, la météo est avec nous, avec un grand soleil prévu toute la journée.

Sans connaître la topo, le canyoneur non averti se serait certainement posé des question à nous voir tous avec des casques avec frontale. Mais encore plus à voir l’un de nous sortir son acéto ! Du canyon avec une acéto, quelle idée ???

L’idée n’est pas si saugrenue une fois que l’on arrive à la fin de Gorg Blau, et au début de Sa Fosca. Cette distinction en deux noms d’un même canyon se justifie, car d’une manière assez soudaine, la nuit tombe, le soleil disparait et le noir absolu fait son entrée.

Gorg Blau était déjà à lui seul un canyon génial, sa continuation dans Sa Fosca est tout simplement gigantesque !

Les frontales sont allumées, l’acéto irradie et nous nous lançons dans ce défilé magique. J’avais déjà fait des canyons souterrains en spéléo, mais rien de ressemblant. Le travail de l’eau dans les grottes n’est pas le même, avec une roche à vif sous l’action de l’érosion chimique. Ici, pas de requins, de parois acérées et déchirantes (surtout pour les néoprènes), mais plutôt une roche douce, recouverte par un dépôt de calcite à la dominante rouge-orangée.

L’eau est froide, les parois ne sont jamais très loin l’une de l’autre (à nouveau, il faut se mettre de profil pour passer), quelques branches et troncs peuvent créer des pièges pour ceux qui n’y font pas attention. Ajouter à cela qu'il n'y a absolument aucun échappatoire car on est sous terre : l'engagement est total.

Le temps passe, mais le jour ne fait toujours pas son apparition. Le siphon de la molaire ne porte son nom qu'à moitié : il ne siphonne pas, mais une fois passé ce qui n'est qu'un voute mouillante aujourd'hui, la forme de molaire du rocher est flagrante quand on se retourne. On a droit à notre vrai siphon un peu plus loin car même si le sac passe par le petit trou à fleur d’eau du dessus, il faut faire le canard et plonger pour passer sous l’arche et ressortir un mètre plus loin, de l’autre côté.

Si la nuit est tombée rapidement, la lumière met quelques temps à faire sa réapparition à la fin du canyon : le bien dénommé couloir de l’aube permet en une centaine de mètres de rejoindre le ciel dans une apothéose de couleurs, d’odeurs renaissantes et d’un coup de chaud quand l’air extérieur chaud et sec fait place à l’air souterrain frais et humide, car la fin de Sa Fosca correspond aussi à la fin de l'eau : le torrent se perd en même temps qu'il sort de son trou.

Pause casse-croute à la sortie, presque au soleil. Et bilan dépité de deux personnes de notre groupe : les bidons étanches ont pris l'eau. Pas de mal à constater pour les barres de céréale et autres couvertures de survie. Par contre, gros problème avec les téléphones portables, qui bien que mis dans des zip-lock, ont pris l'eau et refusent de démarrer... Qu'on se le dise, la technologie moderne à gros écran tactile n'aime pas tremper dans l'eau !

Bien que le paysage ait été splendide sur la marche retour, ce furent les deux heures les plus pénibles de la semaine. Des blocs, GROS blocs, saupoudrés partout dans le canyon, obligeant de zigzager dans tous les sens, de faire des desescalades acrobatiques, de se passer les sacs dans les portions douteuses, de faire demi-tour quand le vide est trop important et que ça ne passe pas... la définition même du caca-bloc, sa quintessence même !!

Géologiquement, il faut admirer le trait de scie qu’a pratiqué le fleuve Pareis (oui madame, le fleuve, vu qu’il se jette dans la mer, même si localement on l’appelle torrent, non fleuve) dans la montagne locale : une tranchée quasiment droite de 5 à 15 mètres de large sur au moins 100 mètres de hauteur et sur plusieurs kilomètres.

Mais après 7 heures de canyon, ça a de quoi vous scier les jambes (et ça le fait) et le côté géologie est un peu mis en arrière-plan de nos pensées...

L’arrivée au niveau de la mer est tout de même remarquable, mais en bons canyoneurs, nous n’irons même pas jeter un œil sur la grève au vague ressac des vagues et nous filons directement dans le tunnel, éclairé avec des néons verts psychédéliques, qui rejoint la civilisation et notre zone de navette.

Retour au gîte sur le coup des 10 heures, en en étant partis à 7h, encore une bien belle et grosse journée. Et encore un soir où nous ne présenterons pas nos parties théoriques.

Sylvain

Participants

Cindy C. , Sylvain C.

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